Guide Bordeaux 2017

Bordeaux 2017: chapeau bas!

Text: Rolf Bichsel

L’année a démarré sous de mauvais auspices. «Les années en sept sont toujours des échecs à Bordeaux, affirmaient les uns tandis que pour d’autres, trois bons millésimes ne pouvaient être suivis d’un quatrième.» A la fin avril, tout semblait donner raison à ces derniers: deux jours de gel ont parfois suffi à détruire jusqu’à 80% des récoltes prévues. Mais l’été sec semblait vouloir inverser ces mauvais augures. Puis, il a plu pendant trois semaines  en septembre. Les pessimistes jubilaient et enterraient définitivement le millésime 2017.

Une fois encore, une année était marquée au fer rouge, avant même l’arrivée du raisin en cave. Lorsque nous avons entamé notre marathon de dégustation de trois semaines au début du mois d’avril, propriétaires et vignerons nous ont accueillis avec crainte et embarras.

Cette guéguerre psychologique est typiquement bordelaise. D’ordinaire, nous laissons couler et préférons nous fier à notre nez et à notre expérience. Celle-ci montre que, en général,  la situation n’a rien à voir avec celle décrite par les rumeurs.

Tout d’abord, le gel a frappé les vignobles de manière très inégale et antidémocratique. Les terroirs historiques de la rive gauche ainsi que les domaines classés s’en sont plutôt bien tirés. En effet, seules les vignes achetées après 1855, dont le raisin est rarement destiné à la production de grands crus, ont souffert du froid. Dans l’ensemble, ce sont surtout les parcelles plus basses ou plus éloignées de la Gironde qui ont payé le plus lourd tribut. Sur la rive droite, la situation semble être plus complexe. Les vignobles en hauteur ont eu un avantage certain. Les trois semaines fatales de pluie de septembre ne sont pas si mal tombées après un été d’une grande sècheresse (très peu de pluie au cours du premier semestre: juillet caniculaire, août d’une chaleur modérée). Les blancs ont pu être vendangés à maturité optimale: les vins secs sont en général excellents dans toutes les régions. Même le Sauternes a bénéficié de conditions météo favorables: le vin était certes rare (voire inexistant), mais il est, en général, opulent et frais avec des notes de fruits secs, comparable à 2015.

L’affaire se complique avec les vins rouges. Selon la région, le Merlot a vraiment souffert de la pluie et du botrytis et a dû être vendangé tôt. Mais cette situation n’a pas que des inconvénients: le taux d’alcool (de 13 à 14% en général) reste supportable. Les Cabernet (Sauvignon et Franc) ont mieux résisté à la pluie et ont pu être récoltés à bonne maturité. L’année a ainsi permis l’émergence de Bordeaux rouges très équilibrés, classiques, d’une très grande complexité aromatique, offrant un fruité, un racé et une fraîcheur remarquables. Seuls les vignerons qui ont tenté d’ajouter des grapillons ont obtenu des vins verts, amers et très secs. A noter que l’extraction excessive n’a pas réussi non plus.

Conclusion: 2017 est l’un des millésimes bordelais les plus passionnants et les plus intéressants depuis longtemps et à ce titre, incomparable. Il convient toutefois de séparer le bon grain de l’ivraie, une tâche que nous avons accomplie pour vous. Les vins seront un peu plus abordables financièrement à leur arrivée sur le marché des primeurs et, selon le domaine, dans des quantités un peu plus faibles. Mieux vaut d’ailleurs acheter les grands vins en primeur. Mais on trouve aussi de bonnes affaires du côté de certains domaines moins connus, qui ont décidé de ne travailler que le raisin issu des meilleures parcelles. De bonnes surprises ne sont donc pas à exclure. Les amateurs de vins sapides, élégants et raffinés, développant une magnifique aromatique, comme seul le Bordelais est capable de produire, ne doivent en aucun cas faire l’impasse sur ce millésime auquel nous tirons notre chapeau.

vinum+

Continuer la lecture?

Cet article est exclusivement
destiné à nos abonnés.

J'ai déjà un abonnement
VINUM.

Je souhaite bénéficier des avantages exclusifs.