Académie Internationale du Vin
L'AIV lance un appel à l'ONU

Texte: Anick Goumaz | Publié: 30.09.2025
Comme de nombreux professionnels du domaine, l'Académie International du Vin (AIV) et ses membres s'inquiètent de voir le vin relégué au statut de "simple" molécule d'alcool. C'est pourquoi elle a publié un appel à l'attention de l'ONU, à l'occasion de sa quatrième réunion sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles et la promotion de la santé mentale et du bien-être. Cette conférence a eu lieu à New York le 25 septembre 2025. Créée en 1971, l'AIV compte une centaine de membres issus d'une vingtaine de pays, dont la Suisse. Parmi eux, de célèbres spécialistes tels que le Dr José Vouillamoz et les vignerons Raoul Cruchon et Raymond Paccot.
Le texte de cet appel parle de lui-même:
Comment prévenir et maîtriser les maladies non transmissibles sans pour autant renier le fondement de nos
cultures, sans effacer ce qui fait vivre nos civilisations? Voilà l’équilibre que vous devrez trouver le 25 septembre
prochain, lors de la 4ᵉ réunion de haut niveau des Nations Unies sur la prévention et la maîtrise des maladies non
transmissibles et la promotion de la santé mentale et du bien-être.
Le vin est au cœur de cette interrogation. Trop souvent, on le réduit à une molécule d’alcool. Trop sommairement,
on l’accuse d’être une drogue. Mais trop rarement, on pense à ce qu’il incarne. Issus de vingt pays différents, les
membres de l’Académie Internationale du Vin souhaitent vous mettre en garde contre le danger de réduire le vin
à un risque sanitaire, et d’oublier ainsi sa dimension culturelle, sociale et humaine. Voici ce qui est en jeu.
Dénormaliser le vin, c'est annihiler un héritage, patrimoine de l'humanité
Le vin incarne huit millénaires d’histoire humaine, un ferment de convivialité, de joie et de partage, une
connexion à la terre et aux paysages naturels et ruraux, un langage universel qui relie les peuples: la Géorgie à la
Grèce antique, l’Oregon à la Toscane, la France à la Nouvelle-Zélande... A la fois singulier et mondial, partout il
exprime la même chose: la patience de l’homme face au temps, son humilité face à la terre, son désir de célébrer
ensemble. Offrir un verre de vin, c’est inviter l’autre à sa table, manifester par le geste la paix, l’amitié, la fraternité, le bonheur d’être ensemble
Consommer modérément du vin, c’est défendre la culture du goût, de la mesure, et perpétuer ce lien qui unit les
continents, les peuples et les générations. C’est apprécier plutôt qu’abuser. C’est déguster plutôt que boire. C’est
aussi appréhender la santé par le prisme des relations sociales et familiales, du bien-être mental et du bonheur,
car le lien entre joie de vivre et santé est indéniable.
Dénormaliser le vin, c'est nier ses bienfaits et clore le débat scientifique prématurément
Un récent rapport NASEM (Académies Nationales des Sciences, d’Ingénierie et de Médecine des États-Unis)
conclut que «par rapport à une consommation nulle d’alcool, une consommation modérée est associée à une
mortalité plus faible, toutes causes confondues». Nous ne prenons pas position scientifiquement, mais, comme
de nombreux experts, nous regrettons l’absence d’un véritable essai randomisé à grande échelle qui, seul,
permettrait de fonder un jugement sur des chiffres certifiés et non sur de simples données observationnelles,
insuffisantes face à l’exigence de rigueur scientifique.
Dénormaliser le vin, c'est choisir la prohibition contre l'éducation et la liberté
Nous ne méconnaissons pas les dangers de l’excès. Nous savons la nécessité de prévenir l’addiction, de protéger les plus vulnérables, de combattre les dérives. Nous faisons nôtre cette responsabilité de prévention et
d’éducation, sans ambiguïté, car c’est par l’instruction que le consommateur apprend à déguster, à comparer et
à apprécier le vin avec modération et qu’il devient lui-même ambassadeur de la modération.
Par la pédagogie, on peut à la fois préserver la liberté individuelle de consommer du vin sans abus et prôner
responsabilité et contrôle. Le vin exprime ainsi sa vérité, dans la transmission des savoirs et des gestes, et dans
l’apprentissage de la mesure.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement, nous vous appelons à prendre vos
décisions dans une approche équilibrée et nuancée: lutter contre les excès, mais reconnaître la valeur de la
modération; prévenir les risques, mais préserver un lien fort de l’homme à la terre; protéger la santé publique,
mais respecter la richesse des cultures et la force des traditions. Car préserver le vin, c’est défendre une
civilisation, un art de vivre, un patrimoine universel vivant, une part d’humanité que les générations se
transmettent depuis des millénaires.
Pour l’Académie Internationale du Vin
Guillaume d’Angerville, Président & Véronique Sanders, Chancelier