En Suisse romande, le Chasselas n’a jamais connu une telle diversité, ni une telle qualité. Imaginé pour rappeler aux consommateurs de vins alémaniques les qualités du grand cépage blanc de la Suisse francophone, ce dossier propose un choix de 24 vins sélectionnés par les deux rédacteurs en chef de VINUM. Ces Chasselas emblématiques ont été classés en trois catégories stylistiques pour rendre hommage à la diversité de cette variété orginaire de l’arc lémanique. Nous vous recommandons chaudement – ou plutôt fraîchement – de goûter tous les vins sélectionnés!

Quels vins pour demain?

L’avenir du Chasselas

Tendances, mode, innovation, modernisation: ces termes peuvent-ils s’appliquer au Chasselas? La nouvelle décennie qui approche va-t-elle voir des évolutions majeures toucher le plus traditionnel des cépages helvétiques? Avec 3672 hectares recensés en Suisse en 2018 – auxquels il faut ajouter 1100 hectares en Allemagne, une petite centaine d’hectares en France et quelques confettis sur le continent américain – le Chasselas destiné à la production de vin de qualité apparaît comme un cépage en déclin. Il y a vingt ans, le vignoble helvétique comptait encore 5373 hectares de cette variété connue aussi sous les appellations Fendant et Gutedel. Au rythme de 85 hectares par an, le Chasselas suisse a perdu près d’un tiers de sa superficie. Et il est fort probable que le creux de la vague ne soit pas encore atteint… Pourtant, tout n’est pas sombre au pays du Chasselas. Longtemps considérée comme un cépage de «grand-papa» tout juste capable de fournir des vins d’apéritif neutres et graciles, le Chasselas a fait son grand retour en Romandie. Sous l’impulsion des producteurs vaudois qui ont su ne pas s’en détourner, le plus helvétique des blancs a peu à peu reconquis le coeur des Romands. Ceux-ci ont beau avoir une grande soif de ce blanc sapide, ce regain d’intérêt en Suisse occidentale n’est toutefois pas suffisant pour inverser la tendance décrite plus haut. En effet, à l’est de la Sarine, les consommateurs de vins n’ont pas encore retrouvé le goût de ce vin sapide. Et si beaucoup à Zurich s’inquiètent des défis écologiques et sociaux de demain, c’est en général avec un verre de Prosecco ou de Sauvignon Blanc de Nouvelle-Zélande à la main qu’ils le font.

Bio, nature ou orange

L’objectif de ce dossier consistant à présenter au lecteur les nouvelles facettes du Chasselas, il est légitime de se demander quel impact auront sur les tendances si médiatisées dans le monde du vin. Autant être clair tout de suite: les Chasselas et Fendant des années 2020 ne seront ni orange, ni natures, ni bio. Bien entendu, on trouvera toujours des producteurs qui consacreront quelques centaines de litres pour produire une sélection nature ou un vin orange. Comme ces vins seront atypiques, chers et soutenus par un marketing efficace, on les retrouvera sur de grandes tables et dans les magazines. Toutefois, si l’on s’intéresse aux volumes réels concernés, Chasselas orange ou nature ne constitueront qu’une part anecdotique de la production. Un peu plus courants, les Chasselas issus de l’agriculture biologique ou biodynamique certifiée ne constitueront que quelques pourcents de la production. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord le caractère délicat du cépage qui bascule sur des arômes végétaux ou désagréable à la moindre imprécision viticole ou oenologique. Ensuite, et surtout, la faible demande du consommateur plus enclin à réclamer des produits sains, locaux et durables qu’à payer pour eux.

La vague trouble venue de l’ouest

Avec 16% d’augmentation des vins entre 2017 et 2018, le Non filtré de Neuchâtel est la spécialité qui a le vent en poupe. Commercialisé dès le troisième mercredi du mois de janvier, ce Chasselas à la robe trouble et aux arômes primaires expressif connaît une progression constante depuis sa création en 1975. Aujourd’hui, plus de 10% de la production de Chasselas du vignoble de Neuchâtel entre dans la production de Non filtré. Bien entendu, en valeur absolue, les chiffres (environ 160 000 bouteilles) restent modestes, mais ce blanc primesautier, saturé de lies en suspension, affiche une croissance régulière sur la durée. Surtout, il a su quitter son biotope naturel. Aujourd’hui, un quart de cette spécialité est commercialisée hors des frontières cantonales. Frais, moderne, atypique, vendu à un prix modéré et offrant juste la petite touche de storytelling nécessaire, le Non filtré possède un bel avenir devant lui. Il y a fort à parier que, dès que 2030 pointera le bout de son nez, le troisième mercredi de janvier sera une date soulignée de rouge dans les agendas des oenophiles de Zurich, Coire ou Genève.

Giclet et Bois rouges:
la révolution silencieuse

Le plus important des changements qui touchera le Chasselas dans les vingt prochaines années sera aussi invisible qu’essentiel. Pour le comprendre, il faut savoir que la quasi-totalité des vignes helvétiques est plantée de Fendant Roux, une variété de Chasselas qui a évincé toutes les autres au milieu du 20e siècle. Pendant des siècles, plusieurs variétés ont cohabité dans les terrasses de Lavaux ou sur les coteaux de La Côte. En 1956, un terrible gel d’hiver a détruit la très grande majorité des vignobles helvétiques. La diversité existante fit place à une monoculture quasi-exclusive de Fendant Roux, productif et fiable. Près de soixante ans plus tard, le Conservatoire du Chasselas est créé sous l’impulsion de Louis-Philippe Bovard avec l’objectif de comparer le potentiel des différentes variétés de Chasselas – la Blanchette, les Bois rouges ou le Giclet – autrefois courantes dans le vignoble suisse. Les vinifications du Conservatoire du Chasselas laissent aujourd’hui entendre que ces anciennes variétés offrent un potentiel plus que prometteur. Bien entendu, pour que les effets de cette possible révolution végétale se fassent sentir dans le verre, il faut que les pépiniéristes multiplient ces sélections, que les vignerons les plantent et que les oenologues apprennent à en tirer le meilleur parti. En clair, révolution, il y aura, mais on ne la dégustera que dans dix, quinze ou vingt ans.

Classique et éternel

Le Chasselas classique est un vin des plus typés. Il affiche souvent des arômes de fleurs, mais aussi des notes minérales et des senteurs qui rappellent la mie de pain. En bouche, il allie fraîcheur et racé. Il se distingue aussi par une pointe d’acide carbonique naturel, de la vivacité et une élégante note d’amertume en finale.

Aigle Les Murailles

Badoux Vins, VD

Le «lézard» est le plus célèbre des Chasselas. Il est cultivé dans des vignobles en terrasses à Aigle, plantés dès 1838. On le trouve désormais sur les cartes des vins de la Suisse entière. La demande est si forte que près d’un million de bouteilles sont produites aujourd’hui. En dépit de ce volume impressionnant, l’équipe de Daniel Dufaux parvient à maintenir un niveau de qualité élevé. Le lézard est l’archétype d’un fruit précis et d’une ampleur chatoyante.

www.badoux-vins.ch

 

Dézaley Grand Cru Haut de Pierre Vieilles Vignes

Blaise Duboux, Epesses, VD

Âgé de 54 ans, Blaise Duboux est littéralement enraciné dans son village d’Épesses, où sa famille vite depuis plus de 500 ans, mais cela ne l’empêche pas d’explorer de nouvelles voies. Ses vins sont issus de la culture biologique et vinifiés avec peu de sulfites. Son Grand Cru Haut de Pierre allie les caractéristiques du Dézaley et une finesse d’inspiration bourguignonne, bien qu’il subisse une fermentation malolactique ce qui permet, selon Blaise, d’exprimer toutes les subtilités du terroir.

www.blaiseduboux.ch

 

Dézaley Grand Cru Chemin de Fer

Luc Massy, Epesses, VD

Tout est culte dans ce vin, à commencer par le nom ou plutôt l’étiquette qui rappelle la construction de la ligne de chemin de fer Paris– Lausanne–Milan au 19e siècle pour laquelle les vignerons ont dû sacrifier de précieux vignobles. Le vin dévoile au nez déjà sa complexité par des notes de miel d’acacia, de silex et d’herbes des prés. Il présente en bouche une noblesse crémeuse et beaucoup de notes minérales.

www.massy-vins.ch

 

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