L’ange de l’inattendu

Dans une atmosphère soigneusement désordonnée, Raphaël Dunand a développé sur le domaine familial une gamme ambitieuse de cépages originaux qu’il vinifie avec beaucoup de précision.

Assemblage de hipster et de pâtre grec, Raphaël Dunand séduit par son enthousiasme et son bagout. Interrogez-le sur les cépages qu’il entend planter prochainement et le voilà qui vous explique que les droits de plantation de ses parcelles ont été achetés par son grand-père à des Bordelais. Entretemps, vous aurez appris que la majorité – 6,5 des huit hectares – du domaine se trouve en territoire français (mais produit exclusivement du vin AOC Genève), que votre interlocuteur n’aime pas beaucoup le Pinot Noir et que Mondeuse Noire et Païen, à moins que ce ne soit l’Altesse, devraient rejoindre l’Auxerrois, le Chenin Blanc, le Cabernet Franc, et la Grenache déjà introduits sur le domaine par le jeune professionnel de 32 ans. Secondé par Ugo Chavaz, jeune œnologue tout frais émoulu de Changins, Raphaël Dunand élabore une quinzaine de vins qui possèdent en commun une élégance remarquable ainsi qu’une vivacité atypique dans le vignoble helvétique. «Je ne travaille pas en fonction d’un marché, mais je fais des vins qui me plaisent, tendus et frais» précise le vigneron de Soral. L’affirmation apparaît moins péremptoire lorsque l’on connaît l’histoire de l’exploitation. Raphaël reprend en 2010 le domaine créé par son grand-père et agrandi par son père. Les sept années qui précèdent le transfert ont toutefois permis de transformer un domaine agricole dédié à la production de raisin en une entreprise dynamique qui commercialise aujourd’hui quelques 30 000 bouteilles par an. «Mon père m’a laissé faire mes expériences, il ne m’a jamais mis de bâton dans les roues», explique Raphaël. Pourtant les décisions prises par le jeune caviste s’avèrent radicales. La grande majorité des 11,5 hectares de Chasselas et de Gamay est arrachée à partir de 2005. Aujourd’hui, trois hectares restent encore vierges de toute vigne. «Je préfère attendre de voir comment évolue la demande et planter la bonne variété au bon moment», explique celui qui récolte désormais quinze cépages différents. A l’originalité du choix des cépages correspond une maîtrise des processus de vinification les plus divers. Donnez-lui un lot de Gamaret pas tout à fait mûr, il le présentera à Torcula sporula, une levure qui supporte mal l’alcool. Ces noces donneront naissance au Chérubin, un rouge doux titrant à 9°. Classée dans la gamme des Anges, cette curiosité y voisine un assemblage rouge, un brut de Pinot Meunier et un Gamaret concentré par distillation sous pression négative.

Domaine des Lolliets
Raphaël Dunand
Route des Lolliets 41
1286 Soral
Tél. +41 22 756 42 30
www.lolliets.ch