Bordeaux

2014 et autres

Texte et photos: Rolf Bichsel

La période des primeurs donne le la dans la plus célèbre des régions viticoles. Ses répercussions touchent les amateurs de toute la planète.

Les chiffres ne mentent pas: de toute ma carrière je n’ai encore jamais goûté autant de primeurs, ni sélectionné autant de vins. Le Bordeaux 2014 m’apparaît non seulement comme un millésime réussi, c’est peut-être aussi l’un des plus intéressants qu’il m’ait été donné de goûter. D’abord parce que des doux aux rouges presque tous les types de vins se distinguent. De plus, la dégustation du millésime 2012 disponible à l’heure actuelle donnait déjà de quoi se réjouir lors de sa sortie en primeurs. Cela laisse imaginer que Bordeaux révèle son véritable potentiel même les années dites moyennes (ou justement celles-là?). Les crus d’aujourd’hui ne brillent pas seulement par leur technique. Voilà longtemps que nous ne notons pas simplement le corps, mais aussi l’expression, la diversité et la personnalité des vins. À cet égard, 2014 ouvre une nouvelle ère: la mode des notes boisées semble enfin derrnière nous. Les grands Bordeaux reviennent à la fraîcheur, et tout en eux, quelle que soit leur couleur, est pensé pour le plaisir. Tout ce qui manque aux crus 2012 ou 2014, c’est un taux d’alcool frisant les 15°. Mais j’y renonce sans peine. 13 degrés me suffisent amplement. Malgré de maigres récoltes et un gros travail de tri, Bordeaux ne manque aucunement de vins superbes (et celui qui prétend le contraire est un menteur). Ce qui fait défaut, ce sont des acheteurs enthousiastes. La région les a perdus voilà cinq ou dix ans en raison de sa politique de prix élitiste et mégalomane. Aujourd’hui, le marché se venge et refuse d’acheter les 2014 sans remises conséquentes. Or, elles restent pour l’instant timides ou inexistantes. Ce faisant, on perd de vue que cette situation ne concerne en réalité que quelques dizaines de marques. De même, on oublie l’excellent rapport qualitéprix général de l’appellation. À l’heure où nous écrivons ces lignes, tout semble calme sur le marché des primeurs. Pourtant, une épuration du marché apparaît comme inévitable et Dieu seul sait quelles en seront les victimes. Cet assainissement permettra peut-être à Bordeaux de revenir enfin n aux valeurs qui ont fait sa grandeur: produire des vins élégants proposés par de vrais gentlemen.

Marché bordelais

Les coulisses des primeurs

1. Bordeaux en baisse...

2014 a été une année difficile pour tout le marché des Bordeaux. Avec près de 700 millions de bouteilles vendues, la région a terminé sur une baisse d’environ 10% en volume et en valeur comparé à 2013. Il existe plusieurs raisons à cela: 2013 et 2012 avaient été les meilleures années que Bordeaux ait jamais connues grâce à un marché asiatique florissant. En 2013 pourtant, les ventes se sont mises à baisser. Les deux marchés asiatiques les plus importants (la Chine et Hong Kong) ont connu un repli d’environ 20% (en volume comme en valeur). De même, le marché français, qui absorbe près de 60% de la production, n’a pas maintenu son niveau. Aujourd’hui, la Chine reste le principal client à l’export, suivie par l’Allemagne. Ces deux destinations consomment surtout des vins à bas prix. En Chine, les onéreux Grands Crus ont pâti de la campagne anti-corruption interdisant les cadeaux commerciaux. Les experts prévoient ainsi une année 2015 difficile et espèrent que la machine tournera de nouveau à plein régime en 2016 lorsque les stocks de vins des millésimes 2011 à 2013 seront écoulés et que 2014, année d’exception aux tarifs plus raisonnables, sera disponible. Il est difficile d’estimer si cette tendance concernera aussi les Grands Crus, qui ne représentent que quelques pourcents de la production. A l’heure actuelle, les prévisions concernant cette catégorie demeurent virtuelles. Il n’existe aucune statistique sur les ventes et quantités disponibles. Aux dernières nouvelles, 2014 semble mieux accueilli que prévu, mais nul ne sait si cela influencera le marché des primeurs, qui débute lentement.

2. ...ou Bordeaux en hausse?

Les grand vins bordelais sont-ils trop chers? Il n’y a pas de réponse tranchée à cette question que tout le monde se pose. D’abord, personne ne sait qui classer dans cette catégorie. Ensuite, c’est la demande qui fait le prix. Si l’on s’intéresse aux vingt marques les plus onéreuses, alors la réponse est oui. Quand un vin proposé à 200 euros est vendu 10% moins cher, il reste coûteux et permet au propriétaire de s’offrir un excellent retour sur investissement. A l’inverse, lorsqu’un $ acon proposé à dix euros en grande distribution (ce qui n’est pas rare du tout) doit baisser son prix de manière similaire, les conséquences sur la rentabilité sont rudes, surtout pour les petits producteurs privés. De fait, une baisse du prix des Bordeaux ressemble toujours à un aveu de problèmes qualitatifs ou financiers. Ainsi, la maison de négoce Dourthe a jugé nécessaire d’accompagner d’une lettre explicative la mise sur le marché de ses chevaux de bataille, Château Belgrave (Haut-Médoc) et Château La Garde (Pessac-Léognan) 2014, au même prix que l’an dernier. Dans celle-ci, le responsable Patrick Jestin justifiait sa politique de stabilité de la manière suivante: il est temps de remettre au centre des discussions le vin et sa qualité, ainsi que les progrès réalisés, et non pas juste le prix. Malgré sa diversité en constante augmentation, Bordeaux reste encore jugée sur quelques dizaines de grandes marques. Toutefois, la région n’a encore jamais produit une offre aussi importante de vins de qualité. Ces crus ont beau suivre de près le peloton de tête, ils ont beau proposer une qualité exceptionnelle à des tarifs semblables, voire même inférieurs, à ceux des autres régions (françaises ou autres), l’opinion publique ne retient hélas que les prix surévalués d’une minorité de domaines hypermédiatiques.

3. Boom architectural

Si Saint-Émilion nous a surpris ces dernières années par ses caves osées tant d’un point de vue architectural que technique (Faugères, Cheval Blanc, Angélus, Pavie, La Dominique), c’est dans le Médoc que s’affairent désormais les architectes. La nouvelle installation du domaine Marquis d’Alesme Becker à Margaux est admirable. Une cave souterraine sera inaugurée en juin à Château Margaux. La nouvelle construction de Château Pédesclaux à Pauillac réunit tous les suffrages et le domaine de Gruaud-Larose a érigé une tour avec vue sur les vignobles. Enfin, la cave du Château Gloria, à Saint-Julien, est en cours d’extension.

4. Cathédrale du vin

La Cité des civilisations du vin de Bordeaux, centre culturel et touristique entièrement dédié au vin, prend forme: celle d’une coque de bateau pour les uns, et celle d’une cathédrale gothique pour les autres. 570 arcs remarquables supportent l’enveloppe de 55 m de haut, sous laquelle seront disponibles – à la fin de la construction, dans un peu moins d’un an – 14%000 mètres carrés de surface sur dix niveaux. Cet audacieux projet, initié par la ville de Bordeaux et son dynamique maire Alain Juppé, devrait coûter au total plus de 80 millions d’euros, soit près de 20 millions de plus que planifés. Cette somme est supportée à parts égales par la ville, des fonds publics et du mécénat privé. Parmi les septante parrains qui ont déjà accepté de verser une contribution à ce lieu qui doit permettre la création de 120 emplois et attirer chaque année près d’un demi-million de visiteurs, on retouve des châteaux tels que Sociando Mallet, Brane-Cantenac ou Clerc Milon (Mouton-Rothschild), l’entreprise de Bernard Magrez (Pape-Clément, Fombrauge, Clos Haut-Peraguey, etc.) ou des maisons de négoce comme Castel, Calvet ou Dourthe.

5. Robert Parker bientôt à la retraite?

Une absence a été très remarquée, et commentée, lors de la campagne des primeurs 2015. Robert Parker n’a pas pris part au marathon bordelais. Il a chargé son collaborateur Neil Martin de la dégustation des échantillons en fût. Lors d’une conférence de presse à Londres, le célèbre critique américain a expliqué qu’il préparait doucement sa succession même s’il n’abandonnait pas tout intérêt pour la Gironde: «Bordeaux abrite désormais trois millésimes qui se sont mal vendus. Les Grands Crus ont tous intérêt à baisser leur prix, s’ils ne veulent pas se retrouver en position difficile», a-t-il déclaré. Pourtant, il semble que ses paroles n’aient pas eu d’effet tangible. En effet, les premiers primeurs sont proposés à des prix stables ou en légère hausse.

6. La consommation de vin dans le monde

La consommation de vin poursuit sa hausse dans le monde malgré une tendance à la baisse sur les marchés traditionnels. D’ici 2018, la consommation mondiale devrait atteindre 32,8 milliards de bouteilles, contre 31,7 milliards en moyenne sur les cinq dernières années. Selon une étude réalisée pour le salon international Vinexpo, à Bordeaux, les hausses les plus fortes sont attendues aux États-Unis (+11%) et en Chine (+25%), tandis que la consommation devrait poursuivre sa baisse dans les deux plus grands pays consommateurs de vins que sont la France (–3%) et l’Italie (–5%).

Evolution des millésimes

L’épreuve de la maturité

 

C’est un a priori assez répandu: les nouveaux Bordeaux ne sauraient plus mûrir. Au contraire, ils se bonifient avec le temps, à condition bien entendu qu’on leur en laisse le loisir.

Les Bordeaux contemporains ont un vrai potentiel de garde. Bien sûr, il y a des exceptions: pas question de garder jusqu’à vos noces d’or les rouges chargés en Merlot de 1990. Idem pour un Côtes de Bordeaux 1995 dont ce n’est pas la vocation ou pour des cuvées dominées par l’alcool et le chêne. Je parle ici des trois à quatre cents crus (classés ou non) qui constituent la planète Bordeaux.

Chassons une autre idée fausse: on ne laisse pas vieillir les grands Bordeaux pour leur donner de la valeur. L’objectif est de leur laisser développer leurs arômes de maturité à la complexité incomparable, qui offrent un bouquet évocateur de rose et de lilas, de pain toasté et d’épices, de cèpes et de baies. Cette découverte est sûrement le fruit du hasard. Un jour, au 18e siècle, ouvrant quelques invendus oubliés pour ne pas qu’ils se perdent, un propriétaire de domaine ou un négociant en vin bordelais a dû soudain se retrouver au septième ciel. À sa grande surprise, le vin qui scintillait dans un calice de cristal choisi à la va-vite, n’était ni perdu, ni oxydé. Son acidité et son excellente structure tanique lui conféraient au contraire une élégance étonnante et une complexité nouvelle. La structure des grands Bordeaux des 18e et 19e siècles était toutefois très différente de celle des vins actuels: plus transparents, dotés d’une acidité conséquente, moins alcoolisés et aromatiques. Depuis le milieu du 20e siècle et jusqu’aux années 1990, l’orthodoxie voulait qu’un grand Bordeaux ait besoin de beaucoup de tanins pour mûrir. L’acidité avait toujours une connotation négative. L’alcool (pas plus de 13%) s’obtenait par chaptalisation. L’éventuel manque de tanins se réglait à coups de macération à haute température, par un pompage toutes les heures afin de lessiver la peau et les pépins du raisin, et un élevage dans du bois ultra neuf. Les nouveaux équipements pour les caves primaient alors sur la méticulosité des vignerons. Les récoltes atteignaient des rendements record grâce à des vignes truffées d’engrais, non labourées et débarrassées des mauvaises herbes par l’aspersion de produits chimiques.

Désormais, tout a changé. Les vignobles des domaines de prestige sont presque tous à nouveau labourés (au pire après le passage d’un herbicide, au mieux, en ignorant cette étape). Les rendements ont baissé de deux tiers en moyenne. Tous les grands domaines ont plus que compensé le manque à gagner en vendant une partie de leur patrimoine foncier. Le travail de la vigne, celui qui demande le plus de temps et le plus de main-d’œuvre, est devenu très précis: effeuillage ciblé, taille intelligente des ceps, compensation réfléchie des carences du sol sont maintenant une évidence. Il faut sûrement ajouter l’effet du réchauffement climatique, même si ce facteur n’est pas facile à évaluer car le climat n’est pas linéaire, et le mûrissement optimal reste un phénomène complexe difficile à analyser.

D’autres détails ont été améliorés: un pressurage en petites cuves dans de nouvelles caves, un vieillissement en barriques mieux maîtrisé, une sélection soignée des jus de presse, etc. Il faut bien réinvestir les sommes incroyables engrangées par les propriétaires de Grands Crus. Ces modifications ont donné des résultats tangibles. Depuis le début du siècle, les grands Bordeaux regagnent en acidité ainsi qu’en alcool naturel. La chaptalisation et l’osmose inverse ne sont plus utilisées que de temps en temps pour les seconds vins, ou les vins en vrac. Le pH a baissé en moyenne de un à deux dixièmes; l’indice tannique reste le même, mais la qualité des tanins a fortement augmenté. C’est peut-être le seul point vraiment positif de la dégustation des primeurs si tôt dans la saison: les vins aux tanins durs ou amers n’ont désormais plus aucune chance. Ce qui nous amène au constat suivant: l’alcool, l’acidité et les tanins sont des agents de conservation qui contribuent au goût de l’ensemble. C’est pourquoi les grands Bordeaux restent harmonieux, plus encore qu’il y a quelques années. Et s’ils s’apprécient plus tôt, ils se gardent aussi plus longtemps. Ce qu’il fallait démontrer...

En clair, les millésimes récents tels que 2011 et 2012 seront déjà plaisants dans six ou sept ans alors qu’il a fallu attendre 10 à 15 ans pour les meilleurs crus de la pluvieuse année 1993 (par ailleurs très élégants). Prenons ainsi l’exemple du Château Lascombes. Ce vin m’a échappé pendant des dizaines d’années jusqu’à ce que j’en ouvre quelques bouteilles récentes pour une dégustation verticale. Je me suis rendu compte que le millésime 2009 s’apprécie – après décantation comme tous les grands Bordeaux – maintenant déjà. Voilà pourquoi la dégustation des primeurs juste mis en bouteille, qui était une torture jusqu’il y a dix ans, devient désormais un réel plaisir.

Il faut reconnaître qu’après les primeurs, les grands Bordeaux ont tendance à se fermer. Mais cette phase ne dure que trois ou quatre ans pour les «petites» années, plus pour les millésimes de qualité. J’ai attendu presque trente ans mes classiques du Médoc des années 1975, 1986 ou 1990. Et pour certains, j’attends encore. Beaucoup de 1995 et 2005 ne trouvent pas encore grâce à mes yeux. Je me délecte en revanche des 1999, 2001, 2002, 2004 et 2007 depuis plusieurs années. Les grands vins de garde des millésimes destinés à la spéculation peuvent en effet se conserver trente, cinquante, voire cent ans à l’abri de la lumière. Sinon, vous pouvez suivre les conseils d’un amateur inconditionnel des Bordeaux qui m’a gentiment dévoilé lors d’une soirée sa méthode infaillible pour financer sa consommation personnelle. Il enfouit dans sa cave des caisses de Grands Crus de toutes les grandes années, qu’il revend dix ans plus tard avec un joli bénéfice. Il réinvestit ensuite celui-ci dans de plus «petits» millésimes, qu’il débouche avec délice. Voilà qui me paraît d’excellent conseil.

Il existe aussi des millésimes compliqués dont l’apogée reste difficile à déterminer. 2003 fait partie de ceux-là, tout comme 2006. J’ai dégusté des Saint Émilion et des Pomerol que j’aurais dû boire plus tôt et des Médoc qu’il aurait fallu garder davantage. J’en tire la conclusion qu’il est plus judicieux de laisser reposer encore les crus 2008 de la rive gauche, et de déboucher de temps en temps un millésime 2008 de la rive droite pour garder un œil sur son évolution. 1998 se révèle aussi une année complexe: les Médoc doivent être surveillés comme le lait sur le feu pour savoir lesquels boire et lesquels garder encore, tandis que la plupart des Pessac-Léognan, Saint-Émilion et Pomerol sont déjà délicieux mais peuvent encore se conserver.

Cela paraît plus compliqué que cela ne l’est en réalité: il suffit de suivre quelques règles simples. Ceux qui aiment es vins jeunes peuvent ouvrir tous les grands Bordeaux à partir de la quatrième (Saint-Émilion, Pomerol) ou de la sixième (Fronsac, Pessac-Léognan, Médoc) année après la récolte. Il suffit de les laisser décanter quelques heures. Tous les Grand Crus de Bordeaux, et ceci même dans des années dites moyennes (à l’exception de 2003 et 2007 peutêtre), se gardent au minimum vignt ans. Seuls les modernistes riches en alcool et pauvres en acidité (qui par chance disparaissent peu à peu) perdent leur équilibre plus tôt ou s’oxydent.

Les grands vins de garde classiques (Premiers Crus, Figeac, Haut-Bailly, Léoville, Ducru-Beaucaillou, Pichon-Longueville, pour ne citer que ceux-là) se conservent un demi-siècle au moins. Les grands vins doux de Barsac et de Sauternes peuvent eux se garder à l’infini, tout comme quelques Bordeaux moelleux (Sainte-Croix du Mont, Cadillac, Cérons, Loupiac). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on en déguste si peu. Dans le même temps, ces vins peuvent être dégustés dès leur arrivée sur le marché, en particulier les crus équilibrés tels que 2009 ou le délicieux 2012! Depuis quelques temps, je me tiens à la règle suivante: je les bois avant leur sixième année. Ensuite, je les conserve à la cave pour mes enfants, qui les transmettront peut-être aux leurs un jour.

Et les blancs secs? C’est encore plus simple. La plupart d’entre eux s’apprécient dès la première année après la mise en bouteille, et plus encore la deuxième et la troisième. Rares sont les crus qu’il faut impérativement garder: La Mission, Domaine de Chevalier, Couhins-Lurton ou Clos Floridène. Ils restent pourtant très bons lorsqu’ils doivent être dégustés jeunes. Dans la mesure du possible, les blancs du Médoc s’apprécient sur le fruit. Certains vins de Graves ont une phase où il faut les éviter, de deux ans à quatre ans après la mise en bouteille. Si nécessaire, il faut les ouvrir tôt et les aérer en carafe. Chez moi, presque tous les vins vieillis en fût arrivent sur la table dans cet accessoire indispensable, qui doit faire partie des premiers investissements d’un amateur de Bordeaux, en plus du tirebouchon et d’un beau verre tulipe.

Classement des millésimes 2012 à 2000

Vous trouverez ci-dessous une synthèse des vins (à la mise en bouteille terminée) de 2000 à 2012. Les notes du millésime 2014 démarrent page 50: les crus 2013 (dont certains excellents) sont encore en fût ou en cuve, ils seront mis en bouteille à partir de juin 2015 et livrés au second semestre.

 

2012

Les trois millésimes 2011, 2012 et 2013 ne resteront pas dans les annales et le cru 2014, qui est en moyenne supérieur à ces trois années, risque de subir le même sort. C’est dommage car les rouges équilibrés, frais et élégants sont très réussis. A Saint-Émilion et a Margaux surtout, mais aussi les autres appellations. Les vins blancs secs sont légèrement mieux notés qu’en 2011, et même si quelques domaines (Rieussec, Yquem) n’ont pas mis de vin en bouteille en 2012, les vins liquoreux se révèlent délicats, aériens, gouleyants, et déjà très plaisants. La qualité des meilleurs Barsac apparaît même remarquable.

2011

Classée par quelques critiques comme année moyenne, ce millésime a produit selon moi des rouges très réussis, offrant des vins bien structurés, agréablement fruités, d’un style plutôt classique, qui peuvent encore bien se garder malgré leur étonnant équilibre actuel. Les vins blancs inégaux, parfois excellents, mais le plus souvent «juste» très bons se distinguent souvent par une acidité un peu raide ainsi que par un potentiel de garde moyen. Les Sauternes se révèlent au contraire amples et magnifiques, très onctueux, dotés d’une belle fraîcheur. Ils atteignent le niveau du millésime 2009.

2010

Grande année offrant certains vins rouges extrêmement bien structurés, intenses, ardents et persistants, qui manquent parfois d’équilibre. Au niveau de 2009 ou supérieurs pour les meilleurs, comparable à 2005 pour les moins bons. Les meilleurs vins blancs sont bien équilibrés, possèdent un bon potentiel de garde, et sortent désormais de leur «âge ingrat». Les vins doux sont bien construits, encore légèrement fermés; ils seront délicieux dans trois ou quatre ans. Attention à ne pas les garder trop longtemps.

2009

Année globalement sans souci avec des vins rouges incroyablement séduisants, amples, parfaitement structurés et pourtant voluptueux, voire généreux. Les rouges possèdent le potentiel pour vieillir, mais ils seront déjà remarquables en 2016. Amples et excellents, les vins blancs s’apprécient dès maintenant et peuvent se garder encore un peu. Grande année pour les Barsac/Sauternes: vins intenses, sucrés, ronds et frais.

2008

Année classique pour les crus des grands terroirs bordelais, très réussie à Pauillac et Saint-Julien, et sur les meilleurs sols de Saint-Émilion. Les rouges possèdent un potentiel de garde indéniable. Vins blanc secs inégaux, à savourer dès maintenant. Vins doux très bons, pleins d’élégance, plus souples et légèrement plus élancés que les crus 2007 ou 2009, à déguster dès maintenant.

2007

Une année inégale en ce qui concerne les rouges, qui a produit sur les meilleurs sols des crus très atypiques car inhabituellement fruités et doux. Très plaisants à l’heure actuelle, ils arrivent à leur apogée. Blancs secs inégaux, certains crus intéressants. Très grande année, similaire à 2001, pour les Barsac/Sauternes qui ont produit des vins de garde déjà très agréables.

2006

Année hétérogène avec quelques vins rouges excellents, très classiques, possédant une bonne capacité de garde, qui dorment actuellement du sommeil du juste. Grands vins blancs rafraîchissants avec du potentiel, à savourer ou à garder. Vins doux assez inégaux mais très intéressants pour certains; ne pas garder trop longtemps les crus les plus simples.

2005

Millésime encensé, taillé pour la spéculation, qui nous déçoit de plus en plus, et dont nous baissons donc la note d’une demi-étoile. Vins rouges concentrés, aux notes souvent fortement boisées, à garder ou à boire après décantation. Vins blancs excellents, denses et bien structurés avec un bon potentiel de garde: à savourer ou à garder encore. Vins doux d’exception avec potentiel de garde, au niveau de 2003: à savourer ou à garder encore.

2004

Année complexe, ayant produit certains vins rouges classiques très équilibrés au potentiel de garde moyen à bon, quelle que soit l’appellation. Nombre d’entre eux sont déjà excellents. Vins à l’acidité persistante, les meilleurs restent très bons. Bonne année, proche de 2004, avec des vins à boire jeunes.

2003

Année très atypique, quasi tropicale, qui a engendré des crus marqués par une forte teneur en alcool et de faibles acidité. Peu de vin rouges méritent encore d’être gardés. Blancs plaisants et ronds, dont il ne devrait rester plus aucune bouteille. Grands vins doux ronds avec du potentiel, classés juste derrière les très grandes années telles que 2001 ou 2007.

2002

Année complexe offrant certains vins d’exception sur la rive gauche; crus inégaux avec de bonnes surprises sur la rive droite. Blancs secs excellents avec un potentiel de garde. Des vins de Barsac/Sauternes délicats, qui étaient déjà très plaisants jeunes.

2001

Malgré un climat difficile, année de garde classique sur les meilleures terres du Médoc, où certains crus dépassent même le millésime 2000. Beaucoup d’inégalités sur la rive droite avec de bonnes surprises, et quelques Saint-Émilion pleins d’élégance. Grande année pour les blancs, puissants et taillés pour la garde. Très grande année, la meilleure de la décennie avec 2007, pour les Sauternes. Excellent potentiel de garde.

2000

Grande année pour tous les rouges qui apparaissent ronds, denses, bien structurés et possédant de la fraîcheur. Réussi, mais potentiel de garde moyen seulement pour les blancs.

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