Espagne

Sur les Routes de Castille-et-León

Texte: Thomas Vaterlaus

 

Sur le plateau castillan, le voyageur se retrouve happé par les grands espaces qui semblent tout droit issus d’un roadmovie américain. Et dans ces étendues naissent des crus toujours plus singuliers, bien loin du style unique qui règne souvent dans la Rueda, la Ribera del Duero ou la région de Toro.

Au début, ce voyage commence comme un autre. En allant vers le nord à la sortie de l’aéroport de Madrid-Barajas, vous êtes d’abord englouti dans une zone urbaine typique composé d’échangeurs autoroutiers, de lotissements, de ghettos résidentiels de luxe et de sites industriels en friche suite à la crise. Pourtant, après Ségovie sur la route qui mène à Valladolid, les terres se vident peu à peu, les décombres laissés par la civilisation se raréfient et finissent par disparaître. Il s’avère même possible de rouler pendant un quart d’heure sans croiser âme qui vive. Puis c’est au tour du téléphone de faire silence, trahi par l’absence de réseau. Notre pouls ralentit, nous sommes comme libérés. Voici l’Espagne dépeinte par l’auteur néerlandais Cees Nooteboom, avec ses paysages vides infinis semblant former un continent à part entière, en Europe sans vraiment y être... Ma foi, ce pays donne matière à philosopher. Mais même après des heures de discussions, impossible de savoir si cette immensité désertique à la fois bienfaisante et angoissante inspire l’ennui ou la liberté, ou les deux en même temps. Les villages construits en pierres brunes se distinguent à peine du décor. Et bien que la densité de population y soit dix fois inférieure à celle de la Suisse ou de l’Allemagne et que l’espace ne soit pas une denrée rare, les maisons sont blotties les unes contre les autres. Comme si les Castillans avaient peur des grands espaces et cherchaient la promiscuité de leurs semblables, à l’instar des moutons qui, la nuit, s’agglutinent au milieu de leur champ immense.

Le mariage parfait

Si vous passez un soir dans l’un de ces villages perchés à 800 mètres d’altitude dont les rues sont balayées, même au printemps, par les vents froids à la tombée de la nuit, vous ne tarderez pas à vous glisser dans le prochain mesón ou le prochain asador. La soirée commence par un petit verre de Tinto, quelques tapas castillans, comme l’inimitable Morcilla de Burgos (des tranches de boudin noir rissolées dans l’huile d’olive) et un brin de causette. Puis, une fois les frimas nocturnes oubliés, commence un spectacle culinaire tel qu’il n’en existe qu’ici, à l’air libre, au milieu des vastes plaines qui surplombent le plateau. Un grand four en briques chauffé à 220 degrés Celsius avec des bûches de chêne fait figure de clef de voûte de la soirée.

Voici l’Espage dépeinte par l’auteur néerlandais Cees Nooteboom, avec ses paysages vides infinis semblant former un continent à part entière, en Europe sans vraiment y être...

Le plus souvent, il reste chaud toute la journée pour éviter que de la suie ne se dépose à l’intérieur. Ces fours se prêtent parfaitement à la cuisson des agneaux de lait de la race castillane Churra. Ils transforment ces bêtes d’une vingtaine de jours en œuvres culinaires rustiques, mais savoureuses. Un four de qualité, de la viande de qualité et – il va sans dire – un asador (cuisinier) de qualité: le trio gagnant pour un cordero lechal asado réussi. L’asador découpe d’un habile coup de main l’animal en quatre morceaux qu’il dépose dans des plats en terre cuite – le côté charnu vers le haut – avant de les saler et de les mettre au four pendant une heure et demie. Les morceaux de viande sont ensuite retournés, les plats mouillés d’un peu d’eau pour qu’une croûte dorée puisse se former lors de la dernière demi-heure de cuisson. Les adeptes d’agneau de lait sont d’ailleurs convaincus que l’épaule gauche est le meilleur morceau, car les agneaux s’appuient toujours sur cette patte avant pour dormir, ce qui favorise la circulation sanguine. Une assiette de cordero lechal asado, accompagnée d’un verre de Tinto Fino ou de Tinta del País – tel qu’est appelé ici le Tempranillo qui donne des vins mûrs, épicés et charpentés – voici peutêtre le mariage le plus typique d’Espagne.

Naissance d’une région viticole

Pendant des décennies, la très grande majorité des producteurs des régions de Ribera del Duero, de Toro ou de Cigales ont proposé aux consommateurs un style de vin rouge relativement uniforme, faisant la part belle aux baies mûres, aux arômes de chêne prononcés, dotés d’une ampleur charnue et de tanins virils. Des vins de machos, élevés par des hommes pour des hommes. Depuis quelques années pourtant, les vins rouges de Castille-et-León regagnent en diversité, comme toute grande région viticole qui se respecte. Les partisans d’une philosophie plus bourguignonne, qui favorise la subtilité et l’élégance, sont devenus aujourd’hui assez nombreux, à Bierzo surtout, mais aussi dans la Ribera del Duero. Le projet Dominio de Atauta a attiré l’attention sur la partie orientale de la Ribera del Duero, tombée dans l’oubli. Dans les environs de Soria, sans doute la ville la plus froide de Castille, des ceps octogénaires de Tinto Fino poussent sur des coteaux accrochés à 1000 mètres d’altitude. Les imposants ceps non greffés plongent leurs racines profondes dans un sol sablonneux qui a toujours été épargné par le phylloxéra. Les vins originaires du terroir du Dominio de Atauta, tels que La Mala ou Llanos del Almendro, sont la preuve que le Tinto Fino peut donner naissance à des vins qui ne misent pas tout sur la force et la puissance, mais offrent au contraire une profondeur ainsi qu’une élégance étonnantes. Ces crus équilibrés s’accordent d’ailleurs bien mieux à l’agneau de lait castillan que les rouges «traditionnels» qui débordent de puissance et sont dominés par des notes d’élevages dominantes.

Evolution rapide

Jusqu’au milieu des années 1970, la région de Castille-et-León, à l’exception de quelques domaines de renom, n’apparaissait pas sur la carte viticole du pays. Dans la Ribera del Duero, les vins de Vega Sicilia jouissaient d’une excellente réputation internationale bien avant la création de la Denominación de Origen en 1982. De même, les bodegas Protos étaient connues dans tout le pays. En outre, le charismatique Alejandro Fernández (Tinto Pesquera) venait tout juste de partir à la conquête du monde avec ses vins puissants. Dans la région de la Rueda, connue pour ses vins blancs, où à l’époque on élevait surtout des crus oxydatifs aux allures de Xérès destinés à la consommation domestique. Marqués de Riscal, le célèbre producteur de la Rioja, a créé à partir de Verdejo et à l’aide de techniques de vinification modernes, le croquant et fruité du vin blanc espagnol moderne, qui a conquis les marchés du monde entier en si peu de temps. Dans la région de Toro, la famille Fariña a montré à la même période qu’un Tinta de Toro (Tempranillo) élevé avec soin pouvait tout à fait rivaliser avec un vin de la Ribera del Duero. Pourtant le reste de la carte viticole de Castille-et-León demeurait terra incognita. Cette situation allait changer de manière assez radicale dans les décennies suivantes. Aucune autre région d’Espagne n’a autant évolué entre 1970 et 2010 que Castille-et-León. Et elle continue à s’enrichir de nouvelles facettes aujourd’hui encore. La région renferme un trésor extraordinaire qui se compose de vignes très anciennes, parfois âgées d’un siècle. Les Tempranillo virils de Cigales, mais aussi les magnifiques Mencia de Bierzo, élevés à quelques kilomètres seulement de la frontière avec la Galice, viennent compléter la palette des vins de la région. En 2007, pas moins de deux nouvelles appellations ont vu le jour avec la Denominación de Origen Arlanza près de la ville de Burgos et la Dénominación de Origen Arribes, qui suit les méandres spectaculaires du Duero sur près de 80 kilomètres. Toutefois, c’est à Arribes, dans le no man’s land faiblement peuplé entre l’Espagne et le Portugal, que Castille-et-León dévoile l’une de ses facettes les plus méconnues. Tandis qu’un cépage domine dans la plupart des régions viticoles – le Tempranillo en règle générale ou le Verdejo (blanc) dans la Rueda –, la Denominación de Origen Arribes se caractérise par sa diversité, à l’instar de celle que nous connaissons dans le Portugal voisin. Les sols arides surtout composés de sable, de granit et de schiste se prêtent à l’élevage de vins bien structurés offrant des notes minérales prononcées. Il peuvent être issus de cépages rouges traditionnels, comme le Juan Garcia, le Rufete ou le Bruñal, mais aussi de cépages blancs, tels que la Doña Blanca (Malvasia), l’Albillo, le Godello ou la Puesta en Cruz. Même le plus célèbre des cépages rouges portugais, le Touriga Nacional, a franchi le fleuve qui a donné son nom aux régions portugaise (Douro) et espagnole (Duero). Cette variété lusitanienne donne vie dans la Dénominación de Origen Arribes à des crus étonnants, tels que le Tinto Roble Selección Especial de la bodega La Setera.

Aucune autre région viticole d’Espagne n’a autant évolué entre 1970 et 2010 que Castille-et-León. Et elle continue à s’enrichir de nouvelles facettes aujourd’hui encore.

Les spécificités de chaque sous-région se matérialisent de plus en plus nettement dans chaque appellation. Ainsi, la Ribera del Duero donne les vins les plus puissants et exubérants, surtout dans l’ouest, près de Peñafiel. Plus à l’est, autour du village viticole de Roa de Duero, les vins présentent une fraîcheur et une minéralité déjà beaucoup plus affermées. Et sur les coteaux froids et isolés à l’extrême est de la Ribera del Duero, dans des villages très peu connus, comme San Esteban de Gormaz, le Tinta del País développe soudain une finesse, que l’on ne l’aurait jamais cru capable d’offrir… Les différentes caractéristiques géologiques de chaque région pourraient constituer un autre critère de classification. Dans les plaines, notamment le long du Duero, les ceps poussent dans des sols alluviaux sablonneux. En se rapprochant des flancs des vallées, du calcaire friable mêlé à de l’argile fait son apparition, tandis que les coteaux en eux-mêmes sont dominés par la roche-mère calcaire d’un blanc étincelant. De ce point de vue, la région ressemble à la Bourgogne. Les deux caves les plus célèbres de la Ribera del Duero, Vega Sicilia et Dominio de Pingus, travaillent déjà depuis longtemps selon les principes bourguignons. A cet égard, l’Alion (Vega Sicilia) et le Flor de Pingus sont des vins de village typiques, tandis que l’Unico (Vega Sicilia) et le Pingus présentent des profils de grands crus au sens premier du terme. Le créateur du Pingus, Peter Sisseck, vient d’être nommé président d’une commission spéciale qui a pour mission d’élaborer des propositions sur le développement de la Ribera del Duero. L’introduction de sous-régions est tout aussi envisageable que la poursuite du classement par terroirs. «J’ai beaucoup de respect pour le travail d’Alvaro Palacios dans le Priorat, qui étudie des livres et des plans de cadastre anciens afin de mieux évaluer l’importance historique de chaque terroir. Dans la Ribera del Duero, ces documents sont rares. Et rares sont aussi les vignerons qui réfléchissent et travaillent selon les préceptes bourguignons. Beaucoup de gens préfèrent acheter des fûts de chêne neufs plutôt que de s’investir dans une méthode de travail rigoureuse axée sur la qualité du raisin», explique Peter Sisseck. Il considère les nombreuses parcelles de vieilles vignes comme un capital encore exploitable: «A Bordeaux, dans le Médoc par exemple, il n’est pas évident de trouver des ceps de plus de trente ans. Ici, presque tous les vins haut de gamme sont issus de vignes de plus de soixante ans».

Condensé d’Espagne

Anciennes familles de vignerons et nouveaux venus motivés ont permis à la région de Castille-et-León de se forger une personnalité complexe inimaginable il y a encore trente ans. On a l’impression que chaque village, ou presque, a connu son miracle viticole. A León, la variété autochtone Picudo n’a pendant longtemps produit que des vins légers et acidulés. Mais aujourd’hui, les meilleurs crus de Prieto Picudo avec leur charme frais, leur structure élégante et leur fraîcheur agréable sont synonymes d’une véritable expérience organoleptique, ce qui est de plus en plus prisé par les amoureux du vin. Si vous parcourez la région entre Salamanque, León et Soria, – un territoire qui fait deux fois la taille de la Suisse – vous ferez la connaissance de vignerons charismatiques et pourrez déguster chaque jour plus de vins de caractère qu’il est humainement possible d’en consommer.

Des lieux emblématiques

En outre, au cours de votre voyage en Castille-et-León, vous découvrirez de petites villes, comme Aranda de Duero, Tordesillas ou Toro. Ces bourgades emblématiques possèdent une personnalité propre, à mille lieues de la culture occidentale uniformisée. Si vous vous arrêtez par exemple à l’hôtel «Juan II» à Toro et que vous demandez une chambre qui donne au sud, vous aurez tout le loisir d’admirer le Rio Duero et les immenses plateaux qui s’étendent à perte de vue. Quelques mètres à peine séparent l’entrée de l’hôtel de la Calle Mayor, la rue principale, où les habitants se réunissent le soir pour passer du bon temps dans les bars. Avec ses dix églises et cinq monastères, la ville de 10 000 âmes pourrait passer pour un centre religieux. Mais ce qui saute en premier aux yeux du visiteur, c’est sa vitalité contagieuse. Le meilleur établissement de la ville «La Viuda Rica» (La Veuve riche) doit son nom à une peinture à l’huile qui représente une femme en robe somptueuse du 18e siècle. Le fait qu’il était interdit de porter ce vêtement, bien que boutonnée jusqu’au col, lors des services religieux, arrache au mieux un sourire amusé aux clients qui s’assoient au bar pour y savourer un verre de vin. Dans la salle adjacente, on propose une cuisine castillane ra" née, qui s’accorde à merveille avec les crus virils et puissants de Toro. Il n’est pas rare que les amateurs de vin qui s’y arrêtent pour passer la nuit décident de s’attarder un ou deux jours de plus. Et cette belle mésaventure pourrait vous arriver dans n’importe quelle bourgade viticole de Castille-et-León. Y a-t-il preuve plus éloquente de l’intérêt de cette région?

CHARLOTTE ALLEN, BODEGA ALMAROJA, DO ARRIBES

Dix cépages, 25 parcelles: aux confins de Castille-et-León, à une encablure de la frontière portugaise, l’anglaise Charlotte Allen met en bouteille des vins d’une grande singularité.

Celle que les 1500 habitants de Fermoselle surnomment depuis des années «La Francesa» en raison de la plaque française de sa voiture n’en est pas moins anglaise. Négociante en vin au Royaume-Uni au cours de sa «première vie», elle est venue en France étudier la viticulture. Alors qu’elle recherchait un domaine abordable, Didier Belondrade, l’un de ses amis qui produit du vin en Espagne depuis 1994, attire son attention sur les régions excentrées de Castille menacées de dépeuplement. Charlotte Allen, aujourd’hui âgée de 44 ans, s’installe ainsi en 2007 à Fermoselle dans la Denominación de Origen (l’AOC) Arribes. Des paysans âgés lui cèdent de petites parcelles. Elle exploite désormais sept hectares de vignes dans les règles de la biodynamie et élève ses vins dans une cave naturelle vieille de près de 500 ans. Son Pirita Blanco, un assemblage de huit cépages autochtones, séduit par son caractère prononcé ainsi que par ses notes salées et minérales. Son Pirita Tinto Crianza, un vin plein de tempérament aux arômes de myrtille et de fines herbes, rassemble dix cépages locaux. Depuis le millésime 2009, elle crée les meilleures années une cuvée haut de gamme, baptisée Charlotte Allen Crianza, dont le caractère évoque son Pirita, en offrant davantage de tempérament et de longueur. Charlotte Allen a intégré de nombreux éléments du mouvement du vin naturel à sa méthode de travail sans pour autant se laisser impressionner par les «talibans du vin orange». Sa devise? «Je trace ma propre route.».

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RAÚL PÉREZ, BODEGA ESTEFANIA, DO BIERZO

Raúl Pérez, 43 ans, a grandi avec le cépage Mencia. Cette variété toucheà-tout, à l’origine d’un nombre incroyable de projets viticoles, devient synonyme de grands crus.

«Prodige», «génie», «magicien»: tous les mots ont été utilisés pour décrire l’énergie créatrice de Raúl Pérez. Sa famille apparaît intimement liée au Mencia depuis 1752. Son père exploitait déjà pas moins de 75 hectares de vigne dans la région viticole de Bierzo qui se caractérise par ses sols arides. Aujourd’hui, les vins du domaine – notamment l’exclusif Ultreia de Valtuille issu de ceps centenaires, vinifié avec les rafles et qui macère nonante jours avant d’être pressé – offrent cette élégance unique qui distingue le Mencia. Outre ses nombreuses activités personnelles, Raúl Pérez est responsable depuis plus de dix ans du projet Tilenus pour le compte de la bodega Estefania, qui exploite aussi la bagatelle de quarante hectares de vieilles vignes de Mencia. Des crus, comme le Pagos de Posada ou le Pieros – aux notes minérales prononcées, qui rappellent le graphite et les pierres humides – portés par une acidité remarquable et remarquée, font partie des meilleurs produits que l’on peut rencontrer à l’heure actuelle dans le Bierzo. Pérez a aussi été l’un des premiers défenseurs du cépage Prieto Picudo, qui pousse dans les environs de la ville de León. La sélection Clan 15 (élaborée par l’entreprise Charco las Animas) est un bel exemple de Prieto Picudo qui, malgré sa modernité, a su conserver la fraîcheur tonique traditionnellement associée à cette variété.

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ENRIQUE CONCEJO, CONCEJO BODEGA &'HOSPEDERIA, DO CIGALES

Située à quelques kilomètres de Ribera del Duero, l’appellation DO Cigales vit encore dans l’ombre de sa voisine. A tort, comme le prouvent les vins d’Enrique Concejo.

Cigales a longtemps été considérée comme un bastion du rosé. De fait, le rosé de Cigales est, aujourd’hui encore, un vin phare des bars à tapas de Valladolid. Et lorsqu’un rosé est aussi puissant, rectiligne, fondant et frais que le Carredueñas Vino Rosado, on aurait tort de ne pas le préférer – en apéritif ou pour accompagner son repas – à ces vins grossiers et sans âme élevés sans amour à partir de Tinto Fino. Aujourd’hui âgé de 41 ans, Enrique Concejo se consacre avec une passion peu commune au rosé. Le domaine propose un Rosé Dolce, ainsi qu’un Prestige Rosé, élevé pendant quelques mois sur lies fines dans d’anciennes barriques. La famille Concejo travaille la vigne dans ce village vigneron de 700 habitants depuis trois générations déjà. Enrique a repris l’exploitation en 1998 et cultive aujourd’hui 25 hectares de vignes exclusivement plantées de Tempranillo. Le Viña Concejo Tinto, vinifié avec le plus grand soin, est son vin vedette. Il s’agit d’un Tinto Fino pur, qui réside plus de deux ans en barriques. Ainsi naît un vin à la fois charnu et frais doté d’une structure nette, qui se marie très bien aux plats traditionnels à base de viande. Entre 2005 et 2010, Enrique Concejo et sa femme Olga ont aménagé un petit palais du 15e siècle en un hôtel de charme décoré avec beaucoup de goût. Au restaurant, le beau-frère d’Enrique a pris les commandes des fourneaux. Et la qualité des mets égale celle des vins. Si vous venez à Cigales, l’hospedaria de la famille Consejo constitue une halte incontournable à ne manquer sous aucun prétexte.

www.concejohospederia.com

MARCOS EGUREN TESO LA MONJA, DO TORO

C’est dans la Rioja, que la famille Eguren a développé avec brio ses premières sélections parcellaires. Elle réitère l’exploit à Toro. D’abord avec Numanthia, puis avec le projet Teso La Monja.

Cette dynastie de la Rioja donne presquel’impression de transformer en or toutce qu’elle touche. Après s’être imposée comme référence dans sa région d’origineavec des vins, tels que le Finca El Bosque ou La Nieta, elle s’est lancé ledéfi de tirer le meilleur du Tinta de Toro. En 1998, elle initie le projet Numanthia avec ses partenaires à Toro. Les crusqui naissent reçoivent très vite les meilleures évaluations internationales. En 2008, Numanthia est racheté par legroupe de luxe LVMH et la famille Eguren crée son propre projet à Valdefinjas. Dotée d’une cour intérieure inspirée desdomaines castillans classiques, la cavede Teso La Monja est située à une centainede mètres à peine de la Bodega Numanthia. En quête de parcelles devignes non greffées orientées au nord, les Eguren trouvent leur bonheur dansla sous-région de Valmediano. C’est ici que mûrissent les raisins destinés à lasélection Alabaster sur un terroir dont la structure géologique varie d’un endroit à un autre. Dans l’argile rouge, la structure et le volume prennent le dessus, dansles terrains plus caillouteux, les raisinsde Tinta de Toro développent des notes minérales et dans le sable leur aciditéet des notes fruitées. L’orientation plein nord permet de résoudre un problème récurrent des vins de Toro – leur teneurtrop élevée en sucre – en faisant coïnciderla maturité des degrés Œchslés avec celle des tanins. L’Alabaster se révèle unvin exceptionnel, marqué par une belle minéralité. Et malgré son ampleur opulente, c’est surtout sa structure nette qu’on retient de ce cru. Le Teso La Monja, un vin encore plus rare tiré à 850 bouteilles maximum, subit une fermentation malolactique dans les légendaires fûts dechêne ovoïdes du tonnelier Taransaud. Les raisins proviennent d’un vignoblede 1,8 hectare, près de la petite ville de Toro dont la situation exacte est gardée secrète. On sait seulement que les ceps centenaires poussent dans un sol renfermantune part relativement élevée de calcaire.

www.eguren.com

EULOGIO CALLEJA, BODEGA NAIA, DO RUEDA

Dans la Rueda, le Verdejo peut donner bien plus que les vins standardisés frais et fruités que l’on connaît. Eulogio Calleja, maître de chai de la Bodega Naia, crée de grands vins de garde. Le nom de ce chef d’oeuvre? Naiades.

Exercices libre et imposé sont au programme. L’exercice imposé se prénomme K-Naia, un «drôle de vin» issu à 85% de Verdejo et à 15% de Sauvignon Blanc. Un beau vin, aromatique au nez, croquant et rectiligne en bouche, mais pour Eulogio Calleja, pas la peine de s’étendre plus longtemps à son sujet. Il préfère que nous parlions de l’exercice libre, qui commence par le Najas. Le vin de base est réalisé à l’aide de raisins de Verdejo issus de ceps non irrigués d’au moins 35 ans. Après six heures de macération avec la peau à très basse température, 90% du jus est transféré dans des cuves en acier et le solde est mis à fermenter dans des fûts de la maison Taransaud. Le vin reste ensuite sur lies fines pendant quatre mois et bénéficie d’un bâtonnage régulier. Résultat: un cru aux arômes de fines herbes, d’anis, de noix, de sel et d’agrumes. Très dense en bouche, le vin, qui atteint son apogée un an après sa mise en bouteille, offre une acidité très juteuse. Le Naiades d’Eulogio Calleja dévoile tout ce que le Verdejo de la Rueda est capable d’offrir en termes de qualité. Les raisins proviennent de ceps centenaires non greffés, qui poussent dans un sol mêlant sable et galets sur le terroir de La Seca, considéré comme l’une des meilleures zones de la Rueda. Une fois cueillis, les raisins passent d’abord une trentaine d’heures en chambre froide. Après pressurage, le jus macère pendant douze heures, avant d’être mis à fermenter dans des fûts de chêne français de différentes tailles et d’y être élevé pendant sept mois. Cette méthode donne naissance à un vin très complexe, dont les arômes rappellent toujours le Verdejo et ses senteurs typiques d’agrumes, d’anis et de fenouil, mais qui sont complétées par des notes élégantes de fleurs, de pâte d’amande et une délicate touche d’épices. En bouche, ce cru hors du commun se révèle à la fois complexe, parfaitement équilibré et d’une fraîcheur envoûtante. A l’heure actuelle, le millésime 2009 se trouve à son apogée.

www.bodegasnaia.com

GOYO GARCÍA VIADERO, BODEGAS GOYO GARCÍA VIADERO, DO RIBERA DEL DUERO

Moins de maturation, moins d’extraction, moins de bois: telle est la philosophie qui se cache derrière les vins de Goyo García Viadero. Les crus qui voient ainsi le jour n’ont rien à voir avec les vins habituels de la Ribera del Duero.

S’agit-il vraiment d’un cru originaire de la Ribera del Duero? Pas mal d’amateurs de vins espagnols ont dû se poser cette question en goûtant pour la première fois à un Finca El Peruco. Il est recommandé de laisser décanter le millésime 2011 actuellement disponible. Et surprise: une fois aéré, le vin présente soudain une finesse ainsi qu’une élégance rarement associées à l’Espagne. Goyo García Viadero n’est pas un inconnu dans la Ribera del Duero, puisqu’il vient d’une famille d’hôteliers de Burgos, qui a fondé la bodega Valduero dans les années 1980. Ce passioné a décidé d’emprunter un chemin tout à fait original. Il qualifie sa philosophie de «naturally friendly and authentic ». Ses vins sont fermentés à l’aide de levures naturelles et subissent le moins d’interventions possible jusqu’à leur mise en bouteille. Les raisins mûrissent dans le nord de la Ribera del Duero, à proximité du village d’Olmedillo de Roa, à près de 900 mètres d’altitude. Les ceps ont en moyenne plus de quatre-vingts ans. Ces crus présentent des caractéristiques à mille lieues de celles que l’on attend d’une bouteille qui affiche la mention de la Ribera del Duero sur l’étiquette. Seul regret, Goyo García Viadero ne produit son vin qu’en quantités confidentielles, moins de 2000 bouteilles.

goyoviadero@gmail.com

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