La chasse aux vieilles vignes

Lorsqu’on lui a proposé il y a plus de quinze ans de reprendre la direction d’une pommeraie, elle n’a pas hésité. «Nous avons commencé par planter des vignes, ce qui a eu un immense succès.» Elle n’a pas étudié la viticulture, mais a été à l’université et a beaucoup discuté avec les professeurs Eben Archer et David Saayman, spécialisés respectivement dans la viticulture et la géologie. Elle leur a demandé de l’aide. En échange de leurs conseils, Rosa cuisinait un soir par mois pour ces deux scientifiques d’envergure internationale. «J’ai suivi tous les cours de viticulture jusqu’en troisième année d’université, sans jamais passer d’examen. Les scientifiques et les vieux paysans ont un point commun: ils ont beaucoup de choses à nous apprendre. J’avais de la chance. Et j’ai beaucoup voyagé! » 23 fois en douze ans.

L’objectif de son premier voyage était de voir Didier Dagueneau. Au départ, celui-ci voulait l’envoyer balader et il lui a donné rendez-vous un dimanche matin à sept heures. Il pleuvait des cordes. «J’étais complètement trempée, des pieds à la tête. Il s’est senti un peu fautif et a dit: tu ne connais vraiment rien, laisse-moi t’aider. Il m’a beaucoup appris et nous sommes devenus amis.» De nombreux autres vignerons de renom de pays très variés ont suivi. Dernière étape en date: le Burgenland pour son Blaufränkisch et ses vins doux. «Pour apprendre, il faut se rendre sur place. J’ai emmagasiné beaucoup de choses et j’ai rapporté ce savoir dans mon pays.»

«La viticulture consiste surtout à connaître le terroir et à comprendre les sols», explique Rosa. «Lorsque je découvre un ancien vignoble pour la première fois, je ferme les yeux. C’est mon principal défi : deviner à quoi va ressembler le vin issu de ce lopin de terre. La qualité du vin est intrinsèque au vignoble.» Eben Sadie a été le premier à proposer des raisins issus de vieilles vignes à Rosa. «A l’époque, j’avais trouvé un vignoble et je voyais ce qu’on pourrait en tirer. Je pouvais presque sentir le vin dans ma bouche rien qu’en regardant les vignes. Je ne considère pas Eben comme un client, mais comme un ami. A chaque fois que je trouvais quelque chose que je voulais lui donner, nous en discutions et il a toujours réussi à en faire des crus fantastiques. Je trouve ça incroyable.» Rosa a aidé de nombreux jeunes vignerons, en leur proposant des raisins de vieux vignobles. Mais uniquement à ceux capables d’en tirer de bons vins. «Les agriculteurs adorent goûter ces vins. La plupart d’entre eux habitent dans des coins perdus. Le but est de faire fructifier leurs raisins. Cette réussite va déterminer s’ils gardent leurs terres ou les vendent. Il en va de la vie des gens. Je prends ce rôle au sérieux, et pas uniquement parce que je crois en la qualité du vin. On ne doit pas perdre ce patrimoine!»

Au fil du temps, Rosa est parvenue à s’occuper de 3500 hectares de vieilles vignes, bien plus que ce qu’elle osait imaginer. 600 paysans se cachent derrière ce chiffre et tous espèrent recevoir un peu plus d’argent contre leurs raisins. «C’est bien plus magique de fournir les raisins à des personnes qui en feront de grands vins.» Nous sommes impatients de voir avec quelles cuvées l’Afrique du Sud saura nous surprendre dans les années à venir.