Castiglion del Bosco, Montalcino

L’un des plus anciens domaines de Montalcino est (presque) entièrement voué au Sangiovese: en plus d’élever d’élégants Brunello, la vigneronne de Castiglion del Bosco, Cecilia Leoneschi, décline le Rosso di Montalcino en trois crus.

«Nos Rosso di Montalcino ont vocation à offrir une interprétation unique du terroir », explique Cecilia Leoneschi, oenologue du domaine depuis 2003. «Bien qu’ils ne présentent pas la longévité d’un Brunello, ils convainquent par leur fruité, leur élégance et leur harmonie.» Cecilia s’emploie à donner vie à tous ces vins dans les vignes et le chai moderne du petit borgo Castiglion del Bosco, un hameau au nord-ouest de Montalcino. Ce borgo entoure un château médiéval érigé dans les années 1100, dont on peut encore admirer les vestiges, et se situe non loin du chemin de pèlerinage Via Francigena, qui relie Canterbury à Rome. Après avoir appartenu à des familles siennoises pendant des siècles, le village a été racheté par la famille de créateurs de mode toscans Ferragamo à partir de 2003, avant d’être intégré en 2022 à une société privée internationale.

Il y a plusieurs siècles, les paysans produisaient déjà du vin destiné à la consommation domestique à Castiglion del Bosco. Ce borgo abrite désormais un complexe de luxe cinq étoiles composé de suites et de villas et vend depuis longtemps le vin issu de ses raisins: des sélections parcellaires de Brunello di Montalcino, comme le Campo del Drago, la Riserva Millecento, l’édition limitée Zodiaco ou le Brunello classique à l’étiquette noire, une sélection des meilleurs vignobles, ou encore les trois sélections parcellaires de Rosso di Montalcino.

«Nous voulons élaborer des vins de garde d’une grande intégrité, complexes et fidèles à leur région.»

La viticulture constitue une pièce maîtresse de la propriété de 2000 ha aux côtés de l’hôtel Rosewood, du restaurant étoilé et du parcours de golf de 18 trous, dessiné par Tom Weiskopf. La vigne recouvre 62 ha, dont 48 dédiés à l’élaboration de Brunello di Montalcino, et les vignobles se divisent en deux grands terroirs, explique Cecilia Leoneschi: 40 ha pour Capanna et 22 pour Podere Gauggiole.

Capanna, situé au nord de Montalcino, présente des sols très variés, indique la vigneronne: la parcelle Campo del Drago – qui fournit la matière première du plus célèbre Brunello du Castiglion del Bosco – se distingue par sa localisation à 450 m d’altitude, sa combinaison unique de sols de galestro et son orientation sud-ouest; bien qu’elle dispose du même type de sols, la parcelle Millecento – qui donne la Riserva éponyme – est orientée est-ouest, ce qui, allié à la structure du sol, permet d’obtenir un Brunello d’une très grande longévité; les sols de la parcelle Vigna dei Massi – qui sert à l’élaboration d’un Rosso di Montalcino – en revanche se veulent plus perméables, même s’ils sont aussi rocheux et profonds. Situé sur des collines de 300 m d’altitude aux sols argilo-calcaires, le terroir de Podere Gauggiole affiche des caractéristiques très différentes. C’est ici que naissent deux autres Rosso di Montalcino: le Gauggiole et L’America.

Et comme elle traite le Brunello et le Rosso sur un pied d’égalité, elle a renoncé à l’idée de mettre en avant un vin du Castiglion del Bosco en particulier: «Campo del Drago, Millecento et sélections parcellaires de Rosso traduisent de la même manière la passion et les efforts mis en oeuvre pour définir l’expression de chaque vignoble», affirme Cecilia. Le Brunello di Montalcino à l’étiquette noire, tiré à 180 000 bouteilles, est le reflet de l’élégance et de la finesse d’un grand terroir.

Son travail actuel s’appuie sur une zonation d’envergure des vignobles, entamée il y a près de 20 ans déjà. Depuis 2016, les 62 ha de vignes, situés au milieu d’une vaste forêt, sont en outre certifiés bio. Aux yeux de l’oenologue, la préservation de la biodiversité revêt une importance capitale pour la viticulture. Il va sans dire que le domaine met l’accent sur le Sangiovese: le grand cépage toscan exerce son emprise sur l’ensemble du domaine, à l’exception d’un demihectare d’Incrocio Manzoni, qui produit du raisin blanc. Pour Cecilia Leoneschi, le Toscan est très polyvalent: il peut aussi bien donner des vins de garde que des crus frais et fruités. «Mais tout dépend du terroir évidemment», déclare-telle. «Selon la parcelle, il offre des résultats très différents malgré des méthodes de récolte et de vinification identiques.»

Ces dernières années, le Brunello des millésimes 2015, 2016 et même 2018 ont tiré leur épingle du jeu. Ce dernier est «un millésime équilibré et élégant aux nuances intéressantes, à la fois profond et vibrant», affirme Cecilia. Les millésimes 2019 et 2021 laissent entrevoir un beau potentiel, tandis qu’en 2017 le Brunello classique à l’étiquette noire a surtout convaincu. 2020 a été, en revanche, une belle année pour le Rosso di Montalcino et a donné des vins fruités, accessibles plus tôt.

Cette philosophie rare à Montalcino, qui consiste à traiter le Brunello et le Rosso sur un pied d’égalité, nécessite des décisions claires lors de la production: «Aucun Brunello n’est déclassé en Rosso», explique Cecilia. «Il est cependant probable que, les années passant, un vignoble dédié au Rosso donne un jour un grand Brunello.»

Quel que soit le vin, Cecilia mise en cave sur l’équilibre entre chaque composant. L’utilisation de fûts, petits et grands, est gage de longévité pour le Brunello, tandis que les sélections parcellaires de Rosso sont élevées tantôt dans des cuves en inox, tantôt dans des amphores en béton ou encore en bois, selon le vin.

Mais Castiglion del Bosco a encore beaucoup de surprises en réserve: «Nous ne voulons pas précipiter les choses», déclare Cecilia. «Il faut savoir prendre son temps.» Elle inspire profondément et un large sourire vient illuminer son visage, au moment où son regard se pose sur le paisible paysage composé de champs, de forêts, d’oliveraies et de vignobles. Derrière se dressent les montagnes qui s’étirent jusqu’à la côte tyrrhénienne.

Là-bas, sur la côte toscane près de Riparbella, se trouve le second domaine de Castiglion del Bosco: l’équipe de la Tenuta Prima Pietra y produit des vins au style précis dans l’esprit bordelais, tels que l’harmonieux Toscana IGT Prima Pietra originaire de parcelles bien ventilées en altitude. «Mais sur la côte, les cépages importent plus que le terroir», explique Cecilia. Bien que le Prima Pietra soit une cuvée de Toscana IGT mêlant Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc et Petit Verdot, elle voit un grand potentiel dans le Franc.

«Le Sangiovese n’en reste pas moins la pierre angulaire de la viticulture toscane, conclut-elle. Il n’y a qu’ici qu’il trouve le terroir pour produire une telle diversité de vins, comme celle que nous proposons au Castiglion del Bosco.»