Passion pure

António Maçanita

Text: Nicole Harreisser, Fotos: z.V.g.

La vie réserve parfois quelques surprises: demandez à António Maçanita qui voulait devenir biologiste marin. Il «étudie» aujourd’hui le raisin, qu’il produit dans quatre régions viticoles portugaises et vinifie avec brio.

Dérangeant, anticonformiste, hyperactive – voilà comment l’on pourrait qualifier António Maçanita. Il s’est très vite intéressé à la viticulture et exerce désormais dans différentes régions du Portugal: dans l’Alentejo avec Fitapreta, le fameux Douro (inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO) avec Maçanita et sur l’île des Açores Pico avec l’Azores Wine Company. Enfant, ce fils d’un père originaire des Açores et d’une mère originaire de l’Alentejo passe ses vacances dans l’archipel et aspire à devenir biologiste marin. Aujourd’hui encore, il pratique le bodyboard et la pêche sous-marine sur son temps libre. Inscrit dans un cursus de technique d’agriculture industrielle à la suite d’une «erreur» d’immatriculation, il voit son avenir se dessiner en troisième année lorsqu’il fait la connaissance de Rogério de Castro. Son professeur s'est révélé être l’un des plus éminents spécialistes de la viticulture du Portugal et vigneron dans la région de Vinho Verde, qui nourrit sa passion pour le vin.

Première escale sur les Açores

Il se lance dès l’âge de 23 ans dans la production de vin sur l’île des Açores, Pico. Aux côtés de ses deux amis, Frederico Vilar Gomes, aujourd’hui vigneron à la Companhia das Quintas, et João Palhinha, aujourd’hui responsible commercial pour Esporão au Brésil, il plante ses premiers ceps à 20 ans. Mais une tempête anéantit ses vignes, signant l’échec de son entreprise. «J’ai entendu une puissance supérieure me dire: “Reviens quand tu seras prêt”», explique António. Il attend donc dix ans avant de revenir pour une nouvelle tentative. Nullement découragé, il poursuit ses études entretemps et part pour la Californie, autrement dit bien sûr la Napa Valley près de Merryvale. Il se rend alors compte que la théorie apprise sur les bancs de l’école ne lui permet plus d’avancer dans la direction qu'il aimerait emprunter. Pendant ses études, il s’attire la sympathie de ses professeurs avec son impatience et son côté hyperactif.

Il retourne en Californie, où il définit sa vision de la vinification par gravité et son ambition de créer des vins «lents». Il termine ses études et part pour l’Australie au domaine d’Arenberg. Cette nouvelle escale remet une fois encore en question ses connaissances théoriques, mais il s’adapte rapidement et s’intègre très vite à l’entreprise. Enfin, il s’arrête dans le Bordelais, dans la prestigieuse appellation Pauillac, au Château Lynch-Bages, en 2003. Il prépare ensuite son retour au pays: avec ses amis, Frederico Vilar Gomes et João Palhinha, il postule auprès de Herdade da Malhadinha, où Frederico est seul à être embauché dans un premier temps. Les deux autres compères ne jettent pas l’éponge et finissent par le rejoindre. C’est à cette époque qu’António rencontre l’œnologue David Booth. Face à son opiniâtreté et à son engouement, David accepte de travailler avec lui, malgré quelques hesitations initiales. En septembre 2004, le duo fonde Fitapreta Vinhos dans l’Alentejo.

Il faut attendre encore quelques années avant que Fitapreta Vinhos n’emménage dans ses propres locaux et ne produise du vin à partir de ses propres raisins. Les deux hommes mettent dès le début l’accent sur l’expression en verre des caractéristiques régionales. En 2004, ils mettent en bouteille le premier vin «Preta 2004», produit à Herdade da Malhadinha Nova grâce aux bonnes relations qu’entretient Antonio avec l’équipe, et remportent sur le champ l’Alentejo Trophy à l’International Wine Challenge. Dans les trois années qui suivent, ils élaborent leurs vins dans différents domaines à partir de raisins achetés dans l’Alentejo. Ils sont les premiers à proposer un «Branco de Tintas», c’est-à-dire un blanc de noirs, et à faire évoluer la méthode de production du Talha. D’autres vins, comme le Fitapreta Branco, le Tinto Castelão ou le Baga ao Sol, voient également le jour.

«Je veux que mes vins reflètent la pureté du terroir dans le verre – c’est ma priorité absolue.»

En 2015, Antonio fait le premier pas vers l’acquisition d’un chai: il prend contact avec le propriétaire du Paço Morgado de Oliveira, un paço médiéval datant du XIVe siècle à Nossa Senhora da Graça do Divor, à Évora. Antonio trouve un accord avec la famille Saldanha: il accepte de reprendre 87% de la propriété à condition de la sauver de la ruine et de perpétuer la tradition familiale des Saldanha, qui s’emploient à la préserver depuis sa construction en 1306.

Du raisin y est encavé dès l’automne 2017, faisant du paço le nouveau siège de Fitapreta Vinhos. La vaste propriété abrite un chai destiné à l’élaboration des vins blancs, la Sala dos Arcos, qui se situe dans l’ancien palais. Tous les vins, blancs comme rouges, qui mûrissent en fûts de chêne français, y sont également conservés. On y trouve aussi le «chai d’expérimentation» d’António, où il laisse libre cours à ses idées et à ses envies. Des bâtiments revêtus de liège selon l’usage dans la région sortent de terre en accord parfait avec l’architecture existante et la nature environnante, et accueillent le chai destiné à la vinification des vins rouges. Aujourd’hui, Fitapreta Vinhos possède 20 ha de vignes, plantées de ceps vieux de plus de 50 ans et composes de Tinta Carvalha, d’Alicante Branco, de Moreto et de Trincadeira das Pratas. Antonio découvre ce vignoble en 2017 lors de ses recherches sur l’histoire et le terroir de la région, se plongeant ainsi dans le «vieil» Alentejo. En plus de ses récoltes, le domaine vinifie du raisin acheté à d’autres producteurs. Ce dernier est issu de parcelles cultivées sous la direction de l’équipe de Fitapreta.

Le chant des crabes

Un autre projet tient au cœur d’António, à savoir la culture et l’exploitation de vignes sur Pico. Le vigneron est revenu sur l’île dix ans après sa première tentative pour créer des vins saveur terre et mer. Cette fois, son entreprise est couronnée de succès. Tout a commencé par la réhabilitation de la culture du cépage autochtone «Terrantez do Pico». Le domaine constitue désormais un point d’orgue de toute visite œnotouristique de l’île. Fondée en 2014 par António Maçanita, Filipe Rocha et Paulo Machado, l’Azores Wine Company traduit la passion et l’engouement pour le vin des trois hommes, qui peuvent s’enorgueillir de la société qu’ils ont créée.

Le vin de l’offre

DO Pico Arinto dos Açores 2018

2023 à 2025

Élevé exclusivement à partir d’Arinto de Azores. Dix mois sur lies fines, suivis de 48 mois de vieillissement. Dense et varié au nez, présente de l’onctuosité et une opulence harmonieuse. Plein en bouche, une minéralité fraîche et raffinée souligne une généreuse onctuosité. Longue finale élégante.

Mariage: huîtres, poisson grillé, salade et fruits de mer frais.

Alentejo DOC Tinto de Castelão 2020

2023 à 2026

Field Blend issu de vieilles vignes. Arômes denses, cerise, cassis, feuilles de tabac aussi, cuir raffiné et thé noir. Vif et vibrant. Juteux et élégant en bouche, structure tanique riche, compact. Vin présent doté d’une puissance bien enveloppée.

Mariage: sur du poulpe «à lagareiro» avec des pommes de terre ou une bonne volaille.

 

DO Tinto do Pote de Barro 2020

2023 à 2026

Fleurs blanches, fruits des bois rouges aussi, notes de cassis mûr et une pointe de branches coupées ensuite. Dense et profond. Myrtilles mûres en bouche, tanins déjà bien intégrés, qui confèrent structure et profondeur. Clair et présent. Longue finale.

Mariage: potées et rôtis consistants.