Guide Bordeaux primeurs 2018

Sujet brûlant!

Dégustation: Barbara Schroeder et Rolf Bichsel, texte: Rolf Bichsel

Millésime exceptionnel sur le plan météorologique, 2018 donnera naissance à des vins d’excellente facture, mais relativement atypiques. Découvrez les coups de cœur de nos spécialistes qui ont dégusté des centaines de vins encore en fût.

Les (grands) millésimes de Bordeaux se suivent et se ressemblent de moins en moins. La faute en revient au climat devenu fou. 2018 est l’année de tous les records – chaleur, ensoleillement, pluie, quantité de tanins, acidité, taux d’alcool – malgré des rendements parfois modestes. Elle pourrait bien s’imposer comme une «grande année», si le résultat final est supérieur à la somme des parties, comme le laisse présager l’évolution récente des vins. A en croire les commentaires enthousiastes des parieurs bordelais peu après les vendanges, le Bordeaux 2018 devrait être d’excellente qualité. Cependant, le joueur qui, trois décennies durant, profitait de cette occasion pour rebattre les cartes des millésimes de spéculation, a quitté la partie.

Après trois semaines de campagne de primeurs, les prophètes qui annonçaient avec le plus de véhémence le millésime du siècle ont jeté l’éponge: leur oraison jaculatoire est restée sans écho. 2018 n’est donc pas le millésime du siècle, mais, à quelques exceptions près, une année qui a surtout vu naître des vins d’excellente facture, bien que très atypiques pour la plupart. La faute n’est pas aux producteurs (bien au contraire, ils ont fait preuve de maestria), mais aux humeurs capricieuses de la météo, qui semble partir du principe que les contraires s’attirent comme des aimants. Après des mois de pluies persistantes (qui ont toutefois permis aux nappes phréatiques, mises à rude épreuve après près de deux années de sècheresse, de se refaire une santé), le climat a changé brutalement à la mi-juillet: le soleil s’est soudain mis à briller tant et plus et le thermomètre à afficher des températures quasi tropicales.

La floraison s’est bien déroulée en dépit de ces conditions. Mais la vigne dans son ensemble a fini par en faire les frais. Le mildiou est venu jouer les trouble-fêtes sur les parcelles les plus respectueuses de la nature. Les domaines biologiques et biodynamiques ont vu leurs rendements se réduire à peau de chagrin. En revanche, la qualité et la maturité étaient au rendez-vous, quels que soient les domaines et les terroirs, grâce à un été interminable et à la douceur automnale. La composition des baies s’est néanmoins révélée inhabituelle. Le taux élevé de sucre et de tanins dû à une peau épaisse et la faible quantité de jus contrastent avec la teneur en acidité étonnamment élevée liée à l’humidité des sols (malgré la longue période de sècheresse) et aux nuits fraîches, promesses de vins très concentrés. Les vignerons ont dû composer avec ces éléments. Ils ont tout fait pour contrebalancer le taux d’alcool élevé en jouant sur l’acidité, bien présente comme annoncé, plus que sur les tanins. Un excès de ces derniers aurait donné naissance à des vins massifs et rustiques, qui n’auraient jamais pu pleinement mûrir. La plupart des vignerons bordelais ont réussi cette épreuve haut la main. Les vins rouges se révèlent très fruités, possèdent du corps, de la structure et de l’ampleur, mais aussi très souvent une ardeur larvée, même sur la rive gauche, qui fait la part belle au Cabernet Sauvignon, dont le taux d’alcool était, cette année, comparable à celui du Merlot. Pour trouver des vins à moins de 14% d’alcool par volume, il faut aller à Margaux, notre appellation préférée.

Ce qu’il faut retenir, c’est que les rouges 2018 allient le fruité et la générosité des 2009 aux tanins du millésime 2010, mais qu’ils ont été élevés avec la retenue de ces dernières années en termes d’extraction et de boisé. Ils présentent un potentiel d’évolution considérable: des vins de cette constitution sont faits pour durer. Les seconds vins et les vins «plus petits» sont souvent très réussis: voilà pour les chasseurs de bonnes affaires. Mais la plupart des vins de 2018 ne possèdent pas la richesse des 2016 ni l’élégance d’un 2014 ou d’un 2015. Les blancs secs sont amples et charnus, ils peuvent mûrir – mais ce n’est pas une obligation –, tandis que les vins doux de Sauternes sont ronds et amples, mais aussi frais et fruités, moins élégants qu’en 2016 et dépourvus de la complexité des grandes années conférée par le botrytis. Comme souvent, rares sont les vins à être déjà disponibles au moment où nous rédigeons ces lignes: si les acteurs du marché espèrent une hausse des prix, ils semblent pour l’instant stables, voire en léger recul. En 2019, Bordeaux reste ainsi la région du monde qui offre le plus grand nombre de vins exceptionnels.

La dégustation

Les pages suivantes contiennent les évaluations d’échantillons prélevés sur fût, réalisées pendant trois semaines par Rolf Bichsel, épaulé par Barbara Schroeder, lors de séances de dégustation organisées en exclusivité pour VINUM dans des conditions optimales. Notre duo vous présente des vins (notés 16,5 points ou plus) qui seront pour la plupart disponibles en souscription d’ici quelques semaines et livrés au début de l’année 2021.

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