2019
La grande année du vignoble suisse

Texte: Alexandre Truffer

En 2019, grâce à la Fête des Vignerons, tous les regards de la planète vin se tourneront vers la Suisse qui accueillera au printemps deux des plus importants événements internationaux liés au vin. Afin de savoir quel visage présentera le vignoble helvétique à ses hôtes de marque, nous avons recensés les atouts et les handicaps – qui sont parfois deux facettes d’une même particularité – du Swiss Wine.

Entre mi-juillet et mi-août, près de 20 000  personnes assisteront, à Vevey, à la première Fête des Vignerons du troisième millénaire. Le spectacle de Daniele Finzi Pasca devrait attirer les amateurs de vin, de tradition, de fête et d’insolite des quatre coins de la Suisse, voire de plus loin, car cette manifestation qui a lieu une fois par génération en moyenne est connue des œnophiles de toute la planète. De plus, en 2019, elle se déroulera dans un cadre lui aussi devenu mythique grâce à l’inscription du vignoble Lavaux au patrimoine mondial de l’UNESCO. Preuve de cet attrait, deux des principales rencontres viticoles internationales ont choisi de poser leurs bagages sur les rives lémaniques en 2019. Du point de vue de la promotion du vignoble helvétique, on peut parler d’un alignement de planètes qui mettra ce petit vignoble au cœur du mondovino. 

Mondial de Bruxelles à Aigle

Du 10 au 13 mai 2018, le Concours Mondial de Bruxelles mettra face à face près de 300 juges venus d’une cinquantaine de pays et pas loin de 9000 crus élaborés sur les 5 continents. Dans la région de Pékin, cette compétition itinérante, devenue le plus important des concours, ne se contentera pas de décerner des médailles d’or et d’argent. Elle mettra aussi en avant la Chine, qui se profile de plus en plus comme un acteur majeur de la viticulture mondiale. En effet, la spécificité du Concours Mondial de Bruxelles consiste à privilégier, dans ses jurys, les journalistes aux autres professionnels de la vigne et du vin. Choyés durant la compétition, puis invités à participer à des voyages découverte dans les vignobles du pays hôte, les jurés offrent une couverture médiatique mondiale à la région organisatrice. Une publicité dont sont bien conscientes les grandes régions viticoles du monde entier qui cherchent à attirer en leur sein ce Mondial itinérant. La tradition veut que la ville qui recevra l’édition suivante reste un secret bien gardé jusqu’au dernier jour de la compétition. Ainsi, il faudra attendre jusqu’au 13 mai pour que la ville d’Aigle soit confirmée comme hôte de l’édition 2019.

Congrès de l’OIV à Genève

Si la venue des 300 jurés du Concours Mondial de Bruxelles ne sera officiellement confirmée qu’à la mi-mai, un autre événement d’envergure réunira l’an prochain toutes les personnalités officielles du monde du vin en Suisse. En octobre 2016, la Confédération a en effet été désignée pour accueillir le 42e Congrès Mondial de la Vigne et du Vin. Comme l’indique le communiqué de presse de l’Office fédéral de l’agriculture: «la Suisse a été de tout temps très active à l’OIV. Ses délégués ont régulièrement assuré la présidence de commissions et de groupes d’experts. L’organisation d’un congrès et la tenue d’une assemblée générale offriront une visibilité mondiale à la vitiviniculture suisse. Elle permettra de confirmer le positionnement qualitatif de nos vins, de nos programmes de recherche et de formation. Les visites techniques donneront l’occasion de présenter la diversité des innovations en viticulture et œnologie ainsi que de promouvoir les offres œnotouristiques des différentes régions du pays. Durant cette édition helvétique, les participants auront en outre l’occasion d’assister à une représentation de la Fête des Vignerons, la plus grande manifestation historique célébrant la vigne et le vin, qui débutera au même moment à Vevey». Une assemblée générale à Genève, des visites techniques dans les appellations lémaniques et des voyages didactiques dans les vignobles du reste du pays offriront une exposition exceptionnelle aux spécificités de la viticulture helvétique. En effet, pas moins de 500 délégués représentant 46 états membres sont attendus pour ce Congrès mondial hébergé par la Suisse pour la troisième fois, après 1935 et 1977.

 

Atouts et handicaps du vignoble suisse 

Dans nos différentes éditions et hors-séries, nous nous efforçons de mettre en avant les singularités de ce vignoble de 15 000 hectares au cœur de l’Europe. Ici, nous chercherons à savoir en quoi ces particularismes constituent des atouts ou des handicaps, voire un mélange des deux, pour le vignoble helvétique.

L’environnement

Les relations entre défenseurs de la nature (qui la parcourent le dimanche mais ne la fréquentent pas au quotidien) et professionnels de la vigne ressemblent souvent à un face-à-face orageux. Il n’empêche que si la Suisse abrite moins de vignerons en agriculture biologique que ses voisins, le vignoble helvétique est fréquemment cité en exemple pour sa gestion pragmatique des questions environnementales.

La pente

«Le bon Dieu a fait la pente, mais nous on a fait qu’elle serve, on a fait qu’elle tienne, on a fait qu’elle dure» écrivait Charles-Ferdinand Ramuz. Cette pente a engendré les plus beaux paysages viticoles, s’admire de loin et rebute de près. Outre le surcroît de travail, elle engendre pour les vignerons héroïques des coûts supplémentaires, des obstacles à la modernisation des pratiques culturales et impose la gestion complexe et onéreuse des murs de soutènement.

La libre-circulation

En consultant les statistiques des 120 dernières années, un fait saute aux yeux immédiatement. Plus les frontières sont ouvertes, plus les producteurs de raisin souffrent. A l’inverse, les mesures protectionnistes augmentent quasi mécaniquement le revenu des vignerons. Au vu du climat politique actuel, une ravalorisation du raisin semble peu problable. Néanmoins, le malheur des uns fait le bonheur des autres, en l’occurrence celui des consommateurs qui bénéficient d’une offre abondante de vins de qualité inégalée à prix fort raisonnable.

La diversité

En Suisse, on aime rappeller que, sur à peine 15 000 hectares, sont cultivés pas moins de 250 cépages dont près de 170 autorisés dans l’une ou l’autre Appellation d’Origine Contrôlée. Si la diversité a bonne presse, elle brouille aussi tout message promotionnel cohérent comme le constate le Docteur Vouillamoz dans son dernier ouvrage où il écrit que: «la diversité ne fait pas l’identité, ce qui explique l’expression provocatrice disant que le «vin suisse n’existe pas!»

Les traditions culturelles

A l’exception de la Fête des Vignerons, qui bénéficie d’une aura internationale, les traditions autour de la vigne et du vin restent souvent méconnues. Pourtant, entre mises aux enchères séculaires, fêtes des vendanges attirant des dizaines de milliers de visiteurs et vins des Glaciers, ces particularismes offrent matière à tisser ces histoires si demandées par les consommateurs d’aujourd’hui.  

La presse

Il y une dizaine d’année de cela encore, tous les titres de la presse généraliste possédaient une rubrique dédiée au vin. Un sujet dont on ne parlait pas seulement lorsque les mots «fraude» ou « pesticide » constituaient le fil rouge du sujet. Aujourd’hui, le Chasselas, le vin des Glaciers ou l’œil-de-Perdrix font plus souvent la une des magazines internationaux que des quotidiens helvétiques, contribuant ainsi à éloigner encore plus le monde viticole de celui des consommateurs. 

Les appellations

Mal segmentées, incompréhensibles pour le profane, n’apportant aucune valorisation au producteur, les appellations d’origine contrôlées n’ont qu’une trentaine d’années. Elles n’ont jamais convaincu ni les producteurs, ni les commentateurs. La future transformation des AOC en AOP pourrait améliorer la situation même si beaucoup font pression pour un changement cosmétique qui permettrait de conserver les compromis actuels sous une autre dénomination.

L’innovation

Autrefois protégé par des mesures protectionnistes fortes, le vignoble suisse s’est retrouvé en quelques années livré à la concurrence intense de régions bien moins regardantes sur les normes sociales ou environnementales. Faisant preuve d’une faculté d’adaptation remarquable les vignerons ont su s’adapter pour reconquérir le palais de leurs concitoyens, du moins de ceux qui s’intéressent à autre chose que le prix.

La nouvelle génération

Depuis une dizaine d’années, des jeunes producteurs particulièrement bien formés – le plus souvent à Changins – ont su faire fructifier l’héritage transmis par leurs parents. S’appuyant sur des bases solides, cette jeune génération a su donner les impulsions – notamment au niveau œnologique et commercial – pour transformer des caves reconnues en domaines enthousiasmants.

Le swissness

«La Suisse est l’un des rares pays où le fait de mettre le drapeau national sur un produit permet d’augmenter substantiellement le prix de vente», explique le conseiller national Jean-François Rime dans notre hors-série sur les spiritueux qui accompagne ce numéro. Etonnament, les flacons helvétiques qui affichent la croix blanche sur fond rouge se comptent sur les doigts d’une main…

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